Un Autoportrait à la Palestine ouvrira le vendredi 13 septembre la neuvième édition du ICE Festival au SEW à Morlaix, avec Losing it, une performance de Samaa Wakim et Samar Haddad King, artistes palestiniennes explorant cette identité meurtrie. Penser les enjeux affectifs et politiques d’un séjour humain terrestre en dehors de l’appropriation violente des territoires de leurs ressources, et des espèces non humaines qui les peuplent, c’est savoir se relier aux personnes qui mettent en crise notre rapport ordinaire et normé au monde et au langage. En 1969, Fernand Deligny s’installe dans les Cévennes avec des enfants autistes et incite des adultes les fréquentant à tracer leur déplacement pour entrer en lien avec eux, via le territoire, et non par la langue. Ces tracés deviendront « les lignes d’erre», nom du parcours du samedi 14 septembre qui aura lieu à Brest au Quartz, articulé au projet de recherche sur «la fonction performative de l’identité relationnelle» que nous menons avec le philosophe Florian Gaité. Des textes de l'autrice autiste Babouillec seront lus en sa présence et celle de Véronique Truffert, Deborah Allio présentera son livre Attention a peur; la réalisatrice Valérie Urréa, son film Bruit blanc — rencontre avec une jeune autiste Marie-France Canaguier et la chorégraphe Mathilde Monnier. Le soir, sur la plage de Saint-Jean-du-Doigt, le danseur chorégraphe Mackenzy présentera une nouvelle étape de Autothérapie, transition dansée et paysagère vers le parcours Autoportrait à l'ici et l'ailleurs du dimanche 15 septembre qui déploiera une série d’actions et de performances mettant en jeu la participation des habitant·es, en dialogue avec des artistes en résidence. La danseuse et chorégraphe Katja Fleig et la cinéaste Danielle Tillon partageront leur «performances à domicile», geste chez et pour les habitant·es. Paola Comis présentera un extrait du projet d’écriture et de film qu’elle mènera avec des adolescent·es de Plougasnou et de Saint-Jean-du-Doigt. En dialogue avec un locuteur breton, Franky Gogo revisitera au piano la mémoire d'un pays — la Yougoslavie — et d'une langue perdues. Pierre Maillet, présent à deux reprises au ICE Festival, reviendra sur scène pour Habiter, performance que j'ai écrite qui explore les liens entre le nomadisme et l’architecture. Pour finir joyeusement, nous nous déplacerons chez Marylène pour dîner et assister à un concert de Franky Gogo et Alex·ia, car fêter c'est aussi résister.
Dans son essai publié en 2021 Voyage au centre d'un erveau d'autiste, l'autrice Hélène Nicolas,dit Babouillec, écrit qu'elle se perçoit comme « un négatif en développement, en attente d'image. L'image d'un univers en couleurs, de
vie sans frontières. Je suis poète et les étoiles brillent dans ma tête ». Elle écrit depuis 2007 à l'aide d'un alphabet conçu par sa mère Véronique Truffert. En leur présence, nous lirons plusieurs extraits de textes et questionnerons les liens qu'elles tissent ensemble ou séparément, entre l'autisme, le mouvement, l'écriture et la scène.
Imago [2024] de et avec Babouillec Véronique Truffert & Renaud Tefnin
Cet ouvrage conversationnel réunit les propos venant de proches et de thérapeutes : une famille, des psychanalystes, des psychologues et une
orthophoniste évoquent le parcours singulier d'un autiste, Briac. Ces divers échanges montrent la façon dont l'entourage l'a suivi dans ses trouvailles, l'a assisté dans ses recherches, en ne lui imposant jamais (à l'inverse d'autres méthodes) aucun savoir a priori, ceci dès son plus jeune âge. L'appréhension de ses émotions par l'intermédiaire d'objets techniques, l'acquisition de nouvelles compétences, notamment en langues étrangères, lui permettent de conjurer la panique qu'il exprima pour la première fois vers 3 ans : Attention, a peur ! Briac sait maintenant s'adapter au monde qui l'entoure grâce à un soutien fiable continu et sécurisant.
d'après : Attention a peur ! Conversations avec la famille d’un jeune
autiste, de Deborah Allio aux Éditions Imago, 2023
Valérie Urréa s'attache ici à suivre la relation engagée entre la chorégraphe Mathilde Monnier
et Marie-France, une jeune femme autiste de 26 ans dans le cadre des ateliers de mouvement menés en collaboration avec l'association Les murs d'Aurelle à l'hôpital La Colombière de Montpellier. Leur relation évoquée par les pédopsychiatres, médecins et kinésiologues, transite essentiellement par le corps : c'est au delà de la parole, mais dans un langage propre à révéler les capacités physiques étonnantes
de Marie-France. Un film qui articule fiction et documentaire et qui révèle une danse inscrite
dans une mémoire du corps qui ne s'est pas écrite à l'avance.
Bruit blanc [1998] de Mathilde Monnier & Valérie Urréa, avec Marie-France Canaguier & Mathilde Monnier;
Chorégraphie : Mathilde Monnier; Réalisation : Valérie Urréa; Musique : Louis Sclavis.
« Quand les mots et les gestes raccommodent nos écorchures. En cette semaine d’exploration,
je veux par la puissance des mots et l'exactitude des gestes briser les fers qui se dressent contre
l'oubli, réparer les histoires tragiques dont la fin reste inachevée. À partir d'un unique geste
thoracique, frémissement inspiré du Yanvalou, danse purgative, que je désire éprouver dans
des postures cartographiques distinctes. Est-ce que ce mouvement trouve sa pleine puissance
au sommet des falaises, dans l'enlacement liquide des profondeurs marines, ou plutôt
dans les entrailles de la terre ? »
Autothérapie III [danse-performance] de et avec Mackenzy Bergile
Grandir dans une zone en guerre, c’est être habitée en permanence par la politique et la violence.
Dans Losing It, Samaa Wakim interroge la façon dont cette expérience a joué dans la construction
de son identité, en explorant comment le traumatisme des générations passées se manifeste
dans son propre corps. L’artiste palestinienne replonge dans les univers fantastiques qu’elle
s’imaginait petite pour surmonter la peur et survivre alors qu’elle grandissait sous l’occupation.
Le dialogue entre sa voix et la musique live de Samar Haddad King crée un univers dans lequel
les sons qui pouvaient l’effrayer ou la réconforter s’entremêlent, incarnant un passé et un présent
qui viennent obscurcir l’avenir. Des souvenirs électriques refont surface tels des fantômes du
passé gorgés de peur, de privation de liberté et d’espoir face à l’occupation.
Losing it [2021] de Samaa Wakim & Samar Haddad King
Les PIÈCE UNIQUE sont des performances que nous réalisons à domicile, chez vous, avec
et pour vous, en présence de 2 ou 3 invité·es proches si vous le souhaitez. Découvrir vos
'intérieurs', rendre perméables les nôtres pour partager, faire vibrer ensemble nos
univers, vivre un partage en temps réel et à échelle humaine. Suite à une rencontre dans
votre lieu d’habitation, la PIÈCE UNIQUE est conçue sur mesure et réalisée chez vous à la
date convenue.
PIÈCE UNIQUE [2024]
avec Katja Fleig
& Darielle Tillon
POURQUOI PAS MOI ? [lecture & discussion] Projet de documentaire réalisé par Paola Comis
qui s’implantera durant le festival ICE et en amont dans les communes de Plougasnou, Guimaëc et Morlaix avec des jeunes de 16 à 26 ans résidant dans ces communes. Le projet s'articule en deux phases ; une première consacrée à l'écriture (chacun·e devient auteur·e de son portrait) puis une seconde consacrée à sa mise en image. Une opportunité de vivre un tournage dans lequel chacun·e s’impliquera en fonction de
ses affinités ; qui à la caméra, à la mise en scène ou au son. Des portraits qui feront partie d’un
documentaire dont le tournage se déroulera durant le festival ICE à Saint-Jean-du-Doigt.
POURQUOI PAS MOI ? [2024] de et avec Paola Comis
Un pays perdu, la Yougoslavie, et sa langue perdue, le serbo-croate. Les origines de Franky Gogo reprennent des couleurs et se mêlent au breton pour un dialogue inédit avec pour paysage sonore le tout dernier EP de Franky, Črvrstprst (qui veut dire Doigt robuste).
—Distribution en cours !
De et avec Franky Gogo